De l’origine de la barbe sur l’homme_Kambale Kyakakala Semy
_Africa Teller 2005.
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Juste après que l’omniprésent ait fini de créer la terre et que celle-ci ait
été habitée, il se forma le tout premier village: il avait comme habitants
les animaux, l’homme, sa femme et ses enfants.
C’était certainement lui l’ancêtre de l’être humain avant que la terre ne
fut appelée: «Terre des hommes». Parmi les villageois, deux se démarquaient
davantage: le coeur et la barbe. Tous deux étaient mariés. Ils étaient
des vrais amis et faisaient la fierté du village au point même de représenter
le symbole de l’unité. Cependant, ils étaient d’une taille si minuscule
qu’on pouvait les prendre dans une seule main.
À cette époque, beaucoup plus ancienne de la nôtre, les animaux jouissaient
des mêmes droits que ceux des hommes; parlaient le même langage
et exécutaient des travaux similaires. Un jour, ils eurent l’idée de
se choisir un chef à la suite des différents problèmes que cette nouvelle
société posait. Pour être chef, il fallait déposer sa candidature et passer
par les élections. Chaque ethnie devait présenter un seul candidat.
Les candidats devinrent nombreux mais les plus influents furent le lion
et l’éléphant. Sans embûche, les élections se déroulèrent bien et le lion
remporta celles-ci. Il devint dès lors le tout premier roi en exercice depuis
la création de la terre. Ceci fit de lui un orgueilleux de marque ce
qui le poussera un jour à goûter de la chair humaine.
L’ironie de l’histoire fit que la première victime fut la gazelle après une
condamnation à perpétuité par la Cour de justice du roi. Celui-ci venait
de publier auparavant une loi qui l’autorisait à consommer la chair de
tous les condamnés se retrouvant sous son autorité. Cette fameuse loi
causa la mort de nombreux fautifs. Ne pouvant quant à elles supporter
ces crimes odieux, les familles du coeur, de la barbe et enfin celle de
l’homme prirent le large. Il était grand temps de protéger leurs peaux.
Ayant constaté leur disparition, le roi mit ses hommes à leur recherche.
Les deux amis habitaient le même village; l’homme, lui, s’était retiré à
part non loin de ceux-ci. Ils vivaient bien et calmement jusqu’au jour
où le village de ces deux voisins fit l’objet d’une attaque pendant que
ceux-ci étaient tous partis au champ. Seules les femmes, les enfants et
les grand parents étaient restés.
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Le génie du hasard fit qu’en ce jour le coeur rentra vite au village. Malheureusement,
il y trouva cette triste coïncidence: le village était en train
d’être attaqué par les éléments de la garde du roi. En effet, les cris d’enfants
avaient disparu. Il y régnait partout un silence, des morts, excepté
quelques coups de marteaux. Les intrus tentaient de défoncer la porte
du logis où se trouvait la famille de la barbe. En fait, ces officies avaient
pour mission de piller et de ramener avec eux les deux chefs de famille.
Grâce à son intelligence et surtout grâce à sa force, le coeur pavint à mettre
en déroute les assaillants qui vont se dispersèrent à la rescoussese.
Il sauva ainsi tout le village. La barbe, dès son retour du champ, ne cacha
point sa joie face à cet évènement. Le soir même, les deux inséparables
organisèrent une fête au cours de laquelle ils conclurent un pacte
de sang afin de pérenniser leur amitié. L’homme fut invité à prendre
part à cette cérémonie.
“Moi, …, à dater de ce jour, je m’engage officiellement à tenir compte
de ma promesse tout au long de ma vie. Aussi, mes enfants et les descendants
de ceux-ci sont tenus par ce fait même de faire toujours honneur
et de se référer à cet acte qui fera de nous, désormais, d’éternels
amis”, furent les mots prononcés par les deux personnes concluantes durant
leur prestation de serment. Ayant fini, l’homme qui avait été considéré
comme le vrai témoin prit les deux doigts et lia ceux-ci à l’aide d’une
ficelle pendant qu’il s’exprimait en ces termes: “Aujourd’hui plus
que jamais, moi, témoin oculaire de cet événement, engageant mes enfants,
et les descendants de ces derniers, je les engage à se sentir responsables
des conséquences qui subviendrant tôt ou tard lors de la cessation
de votre accord”. Les applaudissements clôturèrent la cérémonie
après que l’homme eut coupé la ficelle et la fête alla jusqu’au grand matin.
Beaucoup de jours passèrent, ils travaillèrent et firent les champs
ensemble jusqu’au jour où la haine, la jalousie, la calomnie et la paresse
prirent place chez le coeur. Il les justifia par le partage non équitable
de la récolte. Selon lui, la barbe prenait la part de lion à sa défaveur. Ils
tentèrent de se réconcilier mais en vain.
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Le coeur manifestait toujours ses longues jérémiades, cependant pour sauver
l’honneur de leur relation de bon voisinage, ils optèrent pour la scission
des champs. Peines perdues, parce que le coeur se lamentait sans
cesse et du coup, il rompait avec toutes ses activités champêtres. Il
nourrissait en lui des illusions: il croyait que ses grainiers étaient encore
pleins. Il aurait eu raison si, à sa grande surprise, il n’avait constaté
le contraire: les grainiers étaient violés, vides. Il tenta de ne pas le croire;
pourtant c’était la pure vérité sous ses yeux; le jour même il se mit
à mendier auprès de son voisin. Cela dura un moment plus la barbe prit
la famille du coeur en charge. Il ne voulait pas trahir son acte d’engagement.
Toutefois, arrivée à bout de patience et ne pouvant plus satisfaire la faim
des deux foyers, la barbe finit par retourner ses mains à son voisin. C’est
le début même du commencement de notre conte. En effet, à la dérobée,
le coeur très rusé commença à se servir dans la récolte de son ami;
tant qu’il y a de la vie, il y a encore de l’espoir se consolait l’infortuné.
Plusieurs enquêtes furent menées par la barbe, mais le voleur courait
toujours et par conséquent, la récolte s’envolait aussi, sans trace.
Au début, le coeur laissa croire à son ami que c’était l’homme qui était
le mieux situé pour mener avec quiétude une opération d’une telle envergure.
Il l’incriminait pour la simple raison qu’il habitait un autre village
que le leur. Heureusement, l’homme démentit toute implication dans
cette affaire après que la barbe l’eut contacté. Comme cette dernière soup-
çonnait déjà son voisin, le lendemain, elle annonçait malignement ne
pas faire le champ. Elle sentait des malaises s’expliqua-t-elle.
Profitant de cette opportunité, le coeur rétorqua de la façon suivante: “Moimême
justement, je comptais faire aujourd’hui une balade dans les bois;
la matinée s’est réveillée ravissante et prometteuse”. Effectivement,
quelque temps après, il emportait avec lui un sac vide, donnant ainsi l’impression
d’aller cueillir des fruits dans le bosquet. Où se rendait-il précisément
et si sûrement? Certainement dans le champ de la barbe et cette
dernière le savait déjà. C’est d’ailleurs le motif qui le poussa le poursuivre
en cachette.
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Arrivé à destination, le coeur vérifia et revérifia partout afin de s’assurer
qu’il était réellement seul. Puis il entama sa sale besogne. Il murmurait,
parfois sifflotait pour vanter son mérite. Encore une fois, il aurait
eu parfaitement raison si cette scène ne se fut présenté: le pauvre
malheureux n’eût qu’un seul réflexe: celui de gager la guérite à la vue
de la barbe qui surgissait de la brousse. “Le salut se trouve dans la fuite”,
fut sa toute première pensée au moment où il laissait tomber son
sac rempli à moitié et prenait le sentier menant au village de l’homme.
Les deux vaillants se poursuivirent à la manière d’un lion affamé et d’une
antilope à la sauvette. Cette cause aurait été un excellent jeu de marathon
si les deux amis avaient été de bons athlètes. Malheureusement,
celle-ci fut une mauvaise coïncidence pour l’homme qui s’en souviendra
toujours toute sa vie durant et cela même jusqu’à la fin des temps.
En fait, comme il était très fatigué à cause de ses activités champêtres,
il prit repos le long du sentier et le sommeil l’envahit vite. Englouti dans
son sommeil, il perdit le contrôle de tout son corps et laissa ainsi sa bouche
grande ouverte.
Au même moment, le coeur qui courrait toujours, et qui en avait déjà
marre, trouva que cette bouche entrouverte à cause de sa taille, était un
bon refuge. Sans aucune hésitation, il s’y jeta et alla se cacher juste dans
la poitrine. Sur le coup du choc, le dormeur se réveilla et referma par
réflexe sa bouche juste au moment où san tout la barbe s’approchait de
celle-ci. En pleine vitesse, la barbe se heurta contre les lèvres. Pendant
que l’homme, qui n’en revenait, pas, marmonnait ces quelques mots:
“Mais… mais… mais…”, la barbe, quant à elle, se positionnait et se plaçait
autour de la bouche avec le seul objectif de bien capturer sa proie
à la sortie de son refuge. Ils engagèrent une longue discussion: l’homme
voulait que la barbe se détacha autour de sa bouche, cependant la
barbe, quant à elle, ne voulait pas l’entendre et s’expliquait en ces termes:
“Je vais attendre ici mon ami pour qu’on se parle et qu’il me paie
ma récolte. Le jour de la conclusion du pacte de sang, nous nous sommes
promis l’assistance mutuelle.
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Sortir d’ici serait une grande erreur de ma part: d’ailleurs si cela arrive,
vous n’aurez pas non plus vous-même à vous sentir responsable
de tout. Ce qui arriverait au cas où nous arriverions à rompre notre relation
d’amitié. C’est pourquoi, moi, je vais rester ici jusqu’à ce qu’il
ressorte et qu’il me paye”. L’homme qui venait de l’écouter attentivement
baissa la tête, il avait compris ce qui serait désormais sa nouvelle
appellation: «l’homme barbu» et la barbe d’ajouter: “Réfléchissez
avant d’agir”.