Il pleuvait, Remi Glenisson
Récit finaliste du Prix Energheia France 2020.
Des vagues et des vagues d’eau noir battant frénétiquement la carcasse fébrile et
rabougri de Mulle. Cabossé, affaibli, battu, la bouche béant, le temps se dilatant au son
assourdissant du grand ravage pollué. Le boulevard était vide, les grandes lignes blanches de la route amenait au loin vers une muraille noire, acéré de pointe et de piques, et plus loin encore, La Grande Ville, celle au trois tours de fer, les verrières d’argent dégoulinante de cette pluie noire et pollué, leur cime caché par la brume.
Mule avait l’habitude, il ne pliait pas.
La brume, la pluie, le vent, la fatigue. Une certaine odeur de surréalité qui affolait ses
nerfs, paralysant souvent Mule dans la béatitude la plus total. Il entendit vaguement un bruit sourd derrière ses pas, puis de la lumière. Mais il ne se retourna pas, il n’en avait pas besoin.
Il sentait l’odeur de poudre. Des figures sans visages allaient de nouveau tenter de forcer le passages, de traverser la murailles noire. Ils passèrent.
Sans se soucier de Mule, le Simplet de la périphérie, celui qui ne disait ni ne savait
jamais rien. Eux, les autres vagabonds, les nuisibles de chair et de sang dans ce monde
d’acier, Ils savaient beaucoup de choses, beaucoup de choses futiles. Aujourd’hui, Mule savait que la mort allaient les cueillir, car plus personne ne rentrait vivant dans la Grande Ville.
A la vu des assaillant, chargeant avec des masques, des barres de fer et des vieilles
fumigènes, la murailles noires se mouva, se dilata, et avança. Les bottes claquèrent, le rang se mouva, sans que nul parole ne se firent entendre.
Des policiers ? Des statues ? Des robots ? Plus personnes, dans la périphérie de la
Grande Ville, ne connaissait la réponse, mais leurs piques acérés ne laissaient jamais nul
survivants.
Mule serra son petit carnet rouge, en voyant la morts devant lui. Il se souvenait alors
de son ancienne vie de fonctionnaire, quand il était professeur, de quoi, il ne savait plus. Il passait son temps à noircir ce petit carnet rouge d’encre, de lettre, de mots, de rimes, qui enjolivait jadis son travail d’esprit. Aujourd’hui il ne savait plus lire. Le temps, la pluie noire,
la crasse avait fait son oeuvre, avait broyé son esprit, sa mémoire, son âme. Il était devenu Mule le simplet.
Simplet? Non, les autres se trompait. Sous la pluie noire, entouré de la mort et du
désespoir, il restait debout, béat, silencieux. Son esprit effacé et perdu, noyé, était le gardien d’un trésor inestimable, la dernière perle dans cette nation d’acier, le dernier diamant de sa propre humanité perdue. Il rêvait.
La pluie disparu alors, comme une fumée d’artifice soufflé par le vent printanier.
Avait-elle seulement existé ? La brume était dense, telle un manteau blanc qui recouvrait le monde des songes. Le soleil bleu mourait en un lointain calfeutré, dessinant des aquarelles dans le brouillard.
Mule était revenu dans le jardin secret de sa jeunesse, au coeur de la Grande Ville. Les
allées, les passages, l’herbe froide, les arbres silencieux, la solitude des figures de pierres. Sa mémoire en avait effacé les visages. Il avança enfin, un pas après l’autre, dans les allées déserte de ce Jardin Secret dont le véritable nom avait disparu depuis longtemps.
Le sentier, comme doué d’une conscience propre, se présentait devant lui, et s’effaçait
dans sa trace. il était terrifié, et sa carcasse lui faisait affreusement mal. Il se demandait ce qu’il avait fait pour mériter son sort, serrant toujours plus fort son petit carnet rouge.
Un souffle, un murmure, un bruit vint à ses oreilles. La brume se mit à lentement
disparaître. les fins filets de lumières, traversant le feuillage de teinte terne et grises des
chênes, saules et châtaignier, apparaissaient les uns après les autres. Le jardin Secret se
découvrit dans toute sa solitudes. Un vent doux, presque nocturne, carressa la robe des arbres.
La vie frêle venant du fond de sa mémoire.
Se retournant, Il vit alors une fontaine asséchée, le bassin, et en son centre, une voix,
une présence qui semblait siffloter gaiement. Mule était assailli par la peur du danger, qui le faisait hésiter à chacun de ses pas.
Il réussit néanmoins à trouver la force pour faire franchir à sa très vieille carcasse de
plomb le petit rebord de pierre du bassin et plonger dans L’inconnu. Marchant, la voix
disparut et une table d’échec apparu. Une personne assise, un regard noire comme les limbes.
Il se souvenait de ce visage émacié, cette grande figure avenante.
Cette figure noble, c’était lui. Elle lui fit signe de s’assoir à sa table.
– Tu t’es raidi mon vieil ami»
Mule ne sut que répondre. pouvait-il répondre, voulait-il répondre ?
– La vie est une chose bien éphémère.
Nous marchons dansons sur un fin fil fragile,
qu’un simple souffle pourrait faire basculer.
Et tout au bout du fin fil, une tour, une echelles,
pour que nous descendions bien plus sereinement .
Quelque soit nos actions, les limbes nous attendent.
Il lui sourit et son regard noir pétilla. Un sourire, c’est tout ce qu’il restait de lui
même. Cette jeune entité qu’il avait perdu, il aurait aimé la chérir davantage, mais il vit au loin le ciel s’éteindre, ne laissant place qu’aux ténèbres de la nuit des songes.
Et lorsqu’il revint à lui, rouvrant les yeux, il ne reconnut toute de suite pas le lieux où
il se trouvait. Il s’était inconsciemment déplacé, comme cela lui arrivait souvent. Au loin, les trois tours de fers s’était rapproché dangereusement. S’avançaient-elle telle des monolithes tout puissant, fonçant pour éradiquer toute conscience sur terre, ou Mule ne s’était-il pas avancer vers elle, dans une folie destructrice. Le coeur de la ville s’ouvrait à lui. Pourquoi?
Autour de lui le silence. Les larges avenues étaient telle des fleuves asséchées, ou tout vie
avait disparu, si ce n’est lui, avançant cahin-caha et sans bruit venant. Les façades blanches le regardaient marcher sans y prêter grandes attention.
Pourquoi marchait-il?
Serrant son carnet rouge, il voulait retrouver le Jardin qui avait vu son enfance perdu.
Le Soleil rouge, caché derrière le même manteau noir brumeux, tourna dans le ciel jusqu’à l’orée de l’obscure. Mule marchait, cherchait, mais son jardin avait disparu. Il chercha encore, seul, mais ne vit rien d’autre que les avenues blanches, et les tours noires.
Soudain du bruit, de la ferrailles mouvantes, et des bottes noires. Mule se retourna et
cria sans voix. Ils l’avaient retrouvé. Il s’arrêta net, comme incapable de bouger, tandis que les masses noires s’affolait vers lui, pour le faucher. Il ferma ses yeux une dernière fois et le jardin lui réapparu, plus vivifiant qu’il ne le fut jamais. Il sourit, et se laissa emporter.
Le jardin, et son maître secret, disparu alors à jamais.