Kafka n’est pas mort, Valéria Ivona
Finaliste Prix Energheia France 2019
Paris, le 21 novembre 2018
Ivona Iacob
Grâce à Internet, en faisant une petite recherche, on peut apprendre
que Kafka, l’écrivain Tchèque, qui a écrit des œuvres littéraires en langue allemande, est né en 1883.
On peut savoir aussi, qu’il est né à Prague, dans une famille de confession juive.
Certains affirment qu’il était timide, écrasé par un père tyrannique et qu’il aurait souhaité
que toute son œuvre soit détruite et, surtout, qu’il ne soit absolument pas publié, pour éviter de le
mettre à la disposition de futurs lecteurs. Grâce à son ami proche Max Brod, qui a outrepassé
cette interdiction, ses œuvres ont survécu et sont connues dans le monde entier.
Son univers était un monde absurde, oppressant ou le simple fait qu’une personne soit accusée
d’une crime ou une malversation signifiait qu’il devait être considéré comme effectivement
coupable et donc condamnable, sans que aucune preuve ne soit fournie et sans qu’on lui précise ce qu’on lui reproche.
Certains disent qu’il aurait disparu depuis longtemps, mais cette année, à la mi-novembre j’avais le sentiment qu’ il était revenu à l’existence, qu’il avait pris possession de mon corps et qu’ainsi je me suis retrouvé métamorphosé en « Monsieur K », personnage principal de son roman : « Le Procès ».
De quoi il s’agissait il ? J’étais invité à un Congrès, par un organisme puissant ayant pour but de
réfléchir sur la situation mondiale de nos jours.
Mille personnes devaient participer à cet évènement qui se tenait à Paris.
Pour y être admis, il fallait s’inscrire à un site de réservation situé à l’autre côté de l’océan,
aux Etats-Unis , afin d’obtenir un numéro d’inscription, puis d’éditer l’invitation comportant le titre de l’évènement et sa date prévue. J’ai suivi rigoureusement les indications et obtenu cette invitation.
Après m’être égaré dans le métro, plutôt mal éclairé et encore moins pourvu d’indications
compréhensibles, j’ai aidé une dame âgée de passer sous les barrières à quatre pattes et
même tiré sur sa valisette pour qu’elle puisse la récupérer.
Elle était très fatiguée et ne comprenait pas, qu’il fallait un nouveau ticket de métro,
ce qu’elle n’avait pas. Arrivée à nouveau à mon point de départ, près de la Tour Eiffel, je cherchais quelqu‘un qui pourrait me renseigner. C’était très difficile, car se sont surtout des touristes qui me répondaient et ils ne parlaient pas le français. En désespoir de cause je me suis adressé à un jeune homme, accompagné de sa femme et de leur bébé dans sa poussette.
J’ai lui demandé s’il connaissait cette ligne du métro ? Il était très courtois et me dit qu’effectivement il le prend souvent. Malgré l’affichage incompréhensible, il fut capable de me donner une réponse, après avoir consulté son téléphone portable personnel.
Après avoir attendu 11 minutes et avoir retrouvé la dame âgée de plus en plus paumée, je
me suis rendu compte que ce métro ne s’arrêtait pas à la station que je cherchais. Après un temps
consacré à une méditation profonde j arrivai à la conclusion que j’étais sur la bonne ligne, mais pas dans la bonne direction. Alors, je me suis précipité vers le passage souterrain, localisé une personne portant une uniforme sommaire, je veux dite un gilet, pour me renseigner. Elle essayait de s’entretenir avec une Japonaise et c’était visiblement un dialogue de sourds.
Je criais de plus en plus fort, Madame ! Madame ! Elle a daigné s’approcher de mo et m’a dit que j’étais bien au bon endroit et que le métro s’approchait. J ai joué quitte ou double et j ai choisi l’option « train court» mais celui qui est arrivé était un « train long ». J’ai failli encore le louper, mais grâce à un sprint digne d’un futur marathonien je l’ai attrapé à une minute de son départ.
Je sors enfin du métro avec le plaisir de respirer l’air frais. Je me trouve dans un quartier plutôt chic, mais avant d’arriver à l’adresse indiquée, j ai le loisir de constater que je suis grandement en retard.
Le temps « Kafkaïen » étant à la mode, je me glisse dans une queue encadrée par deux gendarmes munis de fusils mitrailleurs, plus deux policiers en grande tenue et trois agents de sécurité.
Je présente mon invitation et ma carte d’identité et j’entends dire que ça ne va pas, que je ne
pourrais pas entrer à cette manifestation.
Je reviens à la charge en montrant mon invitation et ma carte d’identité. On me répond : oui, mais il n’y a pas votre nom sur l’invitation. Je leur rétorque : « c’est la première fois que j’ utilise ce système de réservation et que je ne me suis pas rendu compte de l’omission ».
On me répond : il n’y a rien à faire, vous ne rentrerez pas. Je leur dis : Messieurs, je suis doctorant à Sorbonne Université, j’ai mon sujet dans le domaine de la diplomatie, je dois assister à la conférence.
Une réponse à peine correcte fuse : non, vous n’assisterez pas ! Il n’y a rien à faire !
Ma patience a des limites, je dis : dans ces conditions je demande à parler à
votre responsable ! Un des vigiles me répond : « mais il vous dira la même chose ! »
Je lui réponds : « oui sans doute , mais je souhaite que ça soit lui qui me le dise !!!
A ce moment là, Deus ex machina, on me redemande ma carte d’identité, on vérifie
la présence de mon nom sur un listing, on le trouve et on me laisse entrer ; miracle…, sans même
attendre l’arrivée du responsable. Passé le barrage, on me gratifie d’un badge au bout d’une ficelle rouge, qu’il faudra rendre puis redemander si on sort pour déjeuner.
Voici mon témoignage d’un monde Kafkaïen qui s’est presque réalisé. Il faut constater que la
persévérance paye. En pleine tourmente avec des vigiles, j’ai récolté quelques paroles d’un jeune
étudiant d’Aix en Provence, en première année de droit international. Avec lui, je suis sûre, « c’est le début d’une grande amitié », identique à ce qu’on peut voir dans un film d’ Humprey Bogart. Arrivés enfin dans un hall, où on peut suivre la conférence sur deux écrans, je reste debout pendant deux heures. D’autres, participants, environ mille personnes, sont dans une belle salle, assis confortablement. Pendant la pause du midi, je sors pour un déjeuner rapide.
Mon nouvel ami, qui s’appelle Hugo, n’aura même pas le temps de sortir. J’ai décidé
de lui apporter une tablette de chocolat, pas grande chose, juste pour tenir jusqu’à la
fin de l’après midi. Dans la queue, derrière moi, deux jeunes filles suédoises conversent.
Je les salue, elles me répondent avec un fort accent régional…Vive le mondialisme !
Puis, très rapidement, j’essaye de passer rapidement le barrage, pour me trouver moi
aussi dans la grande salle avec les diplomates afin de participer aux conversations sur l’état
de notre monde au vingt et unième siècle et les multiples dangers qui nous menacent.