Une rencontre pour le moins surprenante, Inès Ourfi
Nouvelle finaliste du Prix Energheia France 2023
Es-ce vraiment mal de ne pas faire de sa vie comme on l’entend ? Pourquoi doit-on toujours s’attarder sur ce que la société nous impose ?
“T’es folle”, “Ce n’est pas normal d’être comme ça”… Voilà ce qu’elle entend au quotidien, des injures qui dépassent les pensées, du jugement, du mépris. Cette fille n’est autre que Thiziry. Une jeune femme de caractère extravertit dotée d’une science et d’une imagination remarquable qui rêvait juste d’être respecter et de vivre un amour passionné comme dans les romans qu’elle lit souvent. Ces qualités sont pour les habitants de son village inhabituelles chez une femme. Ce n’est pas pour autant qu’elle se cache à la vue de tout le monde. Dès qu’elle a l’occasion d’inventer ou d’apprendre de nouvelles choses, elle se jette sur l’occasion sans pour autant réfléchir aux conséquences.
Nuit comme jour, pluie comme soleil, elle ne perdait pas un seul instant pour tenir sa promesse auprès de ses défunts parents. J’ai omis de préciser que que cette jeune Thiziry n’est autre qu’une orpheline dont les parents sont décédés, l’un après l’autre, durant le mois de décembre. Pour revenir à la promesse, celle-ci était plutôt simple. Faire de sa vie comme elle l’entendait et de se trouver un rêve sans pour autant s’attarder sur les dires des autres.
Un matin de mois mars, sur le chemin de l’école, un homme, seul, assis sur ce banc fortement endommagé, tenant dans sa main une lettre, qui visiblement était ancienne mais pas ouverte. Son regard était vide mais tellement remplis de tristesse à la fois.
Rien d’anormal allez-vous me dire. Seulement, cet homme dont le temps était marqué sur son visage, venait s’assoir sur le bout du banc, tous les lundis et jeudis, lorsque le soleil se lève, tout en restant silencieux.
Lorsque Thiziry passait devant lui, celle-ci éprouvait un sentiment de compassion, sans réellement savoir pourquoi.
Quelques mois plus tard, toujours sur le chemin de l’école, elle recroise le chemin de cet homme sans nom, toujours dans la même position, toujours avec son regard vide avec dans sa main la lettre. Nombreuses sont les questions qui s’emparent d’elle. “Qui est cette homme ?”, “Pourquoi a-t-il le regard vide ?”, “Pourquoi il vient, ici, toujours à la même heure et au même endroit ?”, “Que contient cette lettre ?”, “Pourquoi… ?”, “Comment…?”, “Mais…?”.
Ces questions restaient encrées dans sa tête durant toutes la journée. Ca l’empêchait même de dormir.
C’est décidé, lundi sera le jour où Thiziry allait lui poser toutes ces questions. Lorsque lundi arriva, elle se prépara, toute excitée à l’idée d’avoir des réponses à ses questions. Deux cents mètres avant d’arriver devant le fameux banc, elle ne vit personne. Bizarre. C’est bien la première fois qu’il n’est pas là. Elle prend quand même cinq minutes, pour s’assoir et l’attendre. Elle espérait sincèrement qu’il soit là aujourd’hui sans se doutait une seule seconde qu’il pouvait ne pas venir. C’était une évidence qu’il serait là. Arrivé vendredi, c’est comme ci lundi recommençait. Excitée au début, déçue à la fin. Bon. L’espoir ne doit pas se perdre. Elle répéta la journée
du lundi pendant un mois, jusqu’au jour où, toujours sur le chemin de l’école, elle l’apperçoit au loin. Il était toujours dans la même position mais cette fois ci, il n’avait pas la lettre. Un collier la remplaçait. Elle ne peut laisser cette occasion s’échapper. C’est le moment où jamais d’aller lui parler. On ne sait pas ce qu’est fait demain.. Elle avançait, doucement mais déterminée vers l’homme, jusqu’à s’assoir sur ce même banc, à l’autre bout.
Un long silence s’installa, sans que ce soit forcément gênant. “Bonjour” sorta de la bouche du vieille homme. Etonnée, Thiziry lui renda sa salutation en lui demandant directement si celle-ci pouvait lui poser des questions.
Fort heureusement, il accepta sans hésitation. Elle pouvait enfin lui poser toutes les questions qui la hantaient avec une fine délicatesse, en commençant simplement par lui demander son prénom.
Aylan. Il se prénommait Aylan. Tout au long de ces dix minutes d’échange, Thiziry était si surpise, qu’elle ne voulait pas y croire. Dix minutes de réponses aussi surprenantes les unes que les autres.
La lettre ? C’était une confession déstinée à son première amour. Pourquoi ce n’est pas elle qui l’a ? Elle a dût se marier de force comme la société le voulait. Le collier ? Il lui avait acheté comme cadeau de promesse. Pourquoi ce n’est pas elle qui l’a ? Elle s’est mariée et tombée enceinte peu de temps après le mariage. Pourquoi il était toujours assis ici les lundis et jeudis ? Parce que c’est sur ce banc qu’ils se sont rencontrés. Ils se voyaient ces deux jours de semaines. Pourquoi son regard était triste et vide ? Parce que son première amour est morte et sa fille se tenait à côté de lui les larmes aux yeux.
Et vous vous demandez aussi qui vous raconte cette histoire ? Je ne suis d’autre que Sanaa, l’alter-égo de Thiziry.