Vivre comme les autres, Maily Lemaire
Nouvelle finaliste du Prix Energheia France 2023
Une jeune femme s’endormit dans les bras réconfortants de sa grande sœur, les larmes chaudes et salées séchant sur ses joues. Ses yeux, bouffis par les pleurs, s’étaient fermés après de longues heures à pleurer. Puis vint ce rêve. Ce rêve qui la replongea dans les douleurs de son passé. Un passé qu’elle aurait aimé oublier car la peine de ce jour la détruisait petit à petit. Dans ce rêve, Alainna se retrouva dans un cimetière. Celui où son grand-père était enterré, à Troyes, la ville où elle-même était née. Devant cette tombe, elle ressentie la douleur qu’elle avait vécu lorsqu’il était décédé. Elle s’agenouilla devant la tombe fleurit, lut les mots inscrit sur la pierre tombale et un nouveau flot de larmes s’écoula de ces yeux déjà rougis. Huit ans qu’il était décédé, huit années écoulées passées trop vite. Maintenant, Alainna était entrée à l’université, et cela suffisait à raviver sa peine. Son grand-père adoré n’avait même pas pu être là lorsqu’elle avait quitté l’école primaire, et la voilà maintenant âgée de dix-huit ans. « Tu me manques » chuchota-t-elle entre deux sanglots. « Tellement. Et même si je souris tous les jours, même si je crie à qui veut l’entendre que j’ai fait mon deuil, au final, ce n’est qu’un mensonge. Un mensonge que je me raconte à moi-même. » Elle baissa la tête, comme honteuse d’admettre ce fait. Elle aurait voulu être comme les autres. Vivre comme les autres. Ressentir comme les autres. Cependant, elle savait bien que ce n’était pas possible. Que cela ne serait jamais possible. Hypersensibilité. Voilà de quoi il était réellement question. Comment faire face à la mort et la douleur que cela provoque lorsque vous ressentez tout de manière décuplée ? C’est le combat que mène Alainna depuis ce 10 février 2015. Vivre avec cette vive souffrance, qui lui lacère les entrailles, qui lui serre le cœur et qui lui retourne l’estomac. Là, devant cette tombe qui la ramène à ce jour tragique, elle continua de pleurer à chaudes larmes, se libérant de cette souffrance accumulée. C’est alors qu’elle senti un souffle chaud et rassurant dans sa nuque, et des bras réconfortants la serrer fort, comme si cette personne essayait de recoller les morceaux de son cœur brisé rien qu’avec ce geste. Comme si cela suffirait à la libérer de cette triste vie. Elle se laissa tout de même aller contre cette personne avant de finalement tourner le regard. Ce qu’elle vit la laissa pantoise. Son grand-père était là. Il la serrait fort dans ses bras comme pour dire « je suis toujours là. » Pendant un instant, Alainna n’a pas su réagir, mais aussitôt que l’information fut comprise par son cerveau, elle se tourna complètement vers lui pour le serrer fort, aussi fort qu’elle le pu. Alainna ne cherchait pas à comprendre comme c’était possible, elle souhaitait simplement profiter de cet instant qui lui était offert.
Bonsoir Caly. J’ai mis du temps avant de t’écrire de nouveau mais pardonne moi, c’est simplement parce que beaucoup de choses se sont produites dans ma vie récemment. Tu te souviens de la maison à Rouilly-St-Loup ? Celle de nos grands parents ? Eh bien, aujourd’hui elle a été vendue. Pourquoi est-ce que la vente de la maison est un problème ? Ce n’en est pas un, mais pour Alainna s’en est un. Parce que Alainna, ce premier alter ego, dont le cerveau et les souvenirs sont restés bloqués à ses dix ans, n’arrive pas à admettre la mort de nos proches et cela l’empêche d’avancer. Alors, le père d’Alainna essaie de la forcer à se confier, pour qu’elle puisse se libérer des chaînes de son passé, mais elle s’y refuse. Car, après tout, si elle en est là, c’est en parti la faute de son père. Elle a beau l’aimer de tout son cœur, il a beau être la personne qui lui manque le plus lorsqu’elle est loin de sa famille, il est aussi la source de bon nombre de ses problèmes. Alors oui, la vente de cette maison est inévitable, mais toi Caly, tu le comprends. J’aimerais que tu le fasse comprendre à Alainna afin qu’elle et son père puisse se réconcilier et retrouver leur complicité d’avant. Elle en a besoin. J’en ai besoin.